Sommes-nous vraiment des "bisounours" sur les sentiers ?
Lorsque l'on parle de trail running, il est bien souvent question d'épopées humaines, de dépassement de soi et d'une forme de communion avec la nature. Mais, derrière cette image presque idyllique, certains n’hésitent pas à épingler une certaine naïveté dans l’approche des grands événements de trail, comme l’UTMB. Sommes-nous trop doux, trop idéalistes, face à des enjeux qui mériteraient d’être abordés avec plus de pragmatisme ? Revenons sur quelques détails qui font débat, et posons-nous les bonnes questions.
Derrière la fête du trail : des bisounours ou de la stratégie ?
L'UTMB, c’est un peu la Mecque du trail running. Chaque année, des milliers de coureurs venus du monde entier se rassemblent pour fouler les sentiers du Mont-Blanc et y vivre une aventure extraordinaire. Mais la critique récemment attribuée à Catherine Poletti – cofondatrice de l’événement – sur cette idée de "bisounours" soulève un point intéressant : le décalage entre l’image d’un sport profondément ancré dans la nature et certaines pratiques organisationnelles jugées discutables.
Par exemple, évoquer la "compensation carbone" pour atténuer les impacts écologiques des coureurs traversant le globe témoigne d’une prise de conscience, certes louable, mais peut-être un peu insuffisante. Est-ce une manière sincère d’agir, ou bien une touche de "greenwashing" pour rassurer les consciences ? En tant que passionnés, avons-nous tendance à fermer les yeux sous prétexte que cette grande fête du trail nous fait rêver ?
Imaginez un instant : un coureur venant de Tokyo pour disputer l'UTMB parcourt plus de 18 000 km en avion aller-retour. Cela représente une empreinte carbone colossale. Et pourtant, il suffit qu’il plante un arbre ou achète une paire de chaussures "éco-conçues" pour avoir bonne conscience. Est-ce suffisant ? À mon avis, il faudrait réfléchir à des solutions plus solides, mais sommes-nous prêts, en tant que communauté, à encourager des changements radicaux ?
Peut-on célébrer la montagne et la préserver en même temps ?
Le trail running, c'est aussi une ode à la nature. Pour beaucoup d'entre nous, courir en montagne, c’est renouer avec l’essentiel, loin de la frénésie de la vie moderne. Mais en célébrant ces environnements si précieux, sommes-nous en train de les abîmer ? Prenons l’UTMB : cet événement a grandi à un point tel qu’il attire aujourd’hui des sponsors, des médias internationaux et une foule de spectateurs. Si l’on en croit certains écologistes, ce genre de surmédiatisation contribue à banaliser l’impact humain sur des écosystèmes pourtant fragiles.
Un parallèle pourrait être fait avec l’effet "Everest" : à force de vouloir célébrer les sommets et y attirer toujours plus de grimpeurs, on a fini par transformer ces lieux sacrés en véritables autoroutes. Et si nous n'y prenons pas garde, le Mont-Blanc et ses alentours pourraient en pâtir de la même manière.
Quelles sont les réponses concrètes ? Certaines organisations commencent à encourager des événements locaux et à sensibiliser les traileurs à se concentrer sur des pratiques plus responsables. Cependant, avons-nous, en tant que communauté, le courage de nous détourner de la lumière des grandes étoiles pour privilégier des courses moins "glamour" mais plus respectueuses ? Rien n'est moins sûr.
La responsabilité de chacun : simple promesse ou véritable engagement ?
Finalement, la question des "bisounours" repose en grande partie sur nos choix en tant que coureurs et spectateurs. Ne sommes-nous pas aussi responsables de cette dynamique ? Nous adorons les récits épiques, les photos stupéfiantes sur Instagram et le prestige des grandes courses. Mais entretenir ces images de légendes n'alimente-t-il pas, indirectement, cette machine qui met en péril ce que nous cherchons tant à préserver ?
Imaginez un instant : si chaque coureur renonçait à une course internationale chaque année pour se concentrer sur des événements locaux, quel serait l’impact ? Si nous prenions la décision collective de limiter nos déplacements ou d’exiger davantage de transparence de la part des organisateurs, la donne pourrait bien changer. Mais cela demande un effort commun et, surtout, une volonté individuelle de revoir certaines priorités.
Le trail running nous apprend à être résistants face à l'effort, à accepter les défis et à embrasser l’imprévu. Peut-être est-il temps d’appliquer ces principes au-delà des sentiers et d’adopter une démarche véritablement engagée, non pas par peur d’être jugés, mais parce que nous croyons sincèrement en la préservation de ce terrain de jeu extraordinaire.
En conclusion, soyons honnêtes : critiquer les grandes machines comme l’UTMB est facile. Mais nous avons tous un rôle à jouer dans cette histoire. Si nous aspirons à un trail responsable, cela demande un mélange de lucidité et d’action. Posez-vous la question : que suis-je prêt à faire pour préserver les montagnes et l’esprit du trail ? Est-ce que courir local, consommer moins ou participer à des initiatives concrètes fait partie de mon horizon ? Le débat reste ouvert, mais une chose est certaine : rêver de sentiers et d'aventure ne doit pas se faire aux dépens de ce que nous aimons tant. À vous de jouer.
