Le traitement de faveur en trail : une évolution nécessaire ou une brèche dans l’équité ?
L’Ultra-Trail du Mont-Blanc (UTMB) est une véritable odyssée pour les amoureux de la montagne et du dépassement de soi. Chaque année, des milliers de coureurs se pressent dans les vallées entourant le Mont-Blanc pour vivre une expérience aussi exaltante qu’exigeante. Mais voilà qu’un changement récent concernant la course MCC (Martigny-Combe – Chamonix), souvent perçue comme une porte d’entrée au prestigieux univers de l’UTMB, fait couler beaucoup d’encre. Pourquoi ? Il semblerait qu’un traitement de faveur accordé à certains participants vienne remettre en question l’idéal de justice et de mérite qui anime ce type d’épreuve.
La MCC, une course au cœur des émotions
La MCC n’est pas qu’un simple événement sportif : c’est aussi une fête de la communauté UTMB. Conçue au départ pour permettre aux bénévoles, supporters et habitants locaux de goûter à l’ivresse d’un trail, elle a rapidement acquis ses lettres de noblesse. Avec ses 40 kilomètres et plus de 2300m de dénivelé positif, cette course est loin d’être une promenade de santé. Pourtant, elle ne porte pas la même charge symbolique que les monstres sacrés comme la TDS ou l’UTMB.
Ce qui fait la magie de la MCC, ce sont ces visages illuminés, ces conversations dans les montées où l’essoufflement laisse malgré tout place à un sourire, ou encore ces récits d’accomplissement qui se tissent chaque année. C’est une course avant tout humaine, axée sur le lien, l’accessibilité et le partage des joies et défis du trail.
Mais cette année, l’organisation a introduit un système leur permettant de donner un accès privilégié à certains participants. Parmi eux, des ambassadeurs, des personnalités influentes ou encore des profils soigneusement choisis parmi des milliers d’inscriptions. Ce choix soulève une question délicate : peut-on concilier convivialité et sélection exclusive ?
Une décision qui divise la communauté
Le point sensible ici, c’est l’équité. Traditionnellement, les courses UTMB incarnent cette idée que l’effort, l’investissement personnel, et parfois un soupçon de chance (notamment à la loterie) sont les clés nécessaires pour décrocher votre dossard. Alors, apprendre que certains coureurs obtiennent un accès facilité sans passer par le même système peut créer une dissonance au sein de la communauté.
Essayons d’imaginer cela autrement. Pensez à une file d’attente devant votre boulangerie préférée après une longue randonnée. Dehors, tout le monde attend patiemment pour sa délicieuse baguette croquante, bien méritée après l’effort. Et soudain, une personne entre directement par une porte dérobée, coupe la file, et ressort avec son pain. Le goût de la baguette reste le même, mais un malaise s’installe : pourquoi cette personne a-t-elle eu ce privilège ?
Les organisateurs de l’UTMB défendent toutefois l’initiative en invoquant un double objectif. D’une part, ils souhaitent récompenser des profils inspirants qui portent haut les valeurs du trail. D’autre part, rendre ces figures visibles peut être une stratégie pour attirer encore davantage de passionnés vers cet univers.
Néanmoins, dans une communauté aussi soudée que celle des traileurs, ce type de traitement différencié agite les discussions. N’est-ce pas contraire à l’esprit d’un sport où chaque kilomètre se gagne à la sueur de son front ? Une valeur essentielle du trail est justement que la ligne de départ est égalitaire : chaque personne y mérite sa place, quel que soit son status social, son réseau ou sa notoriété.
Entre tradition et modernité : quel avenir pour le trail ?
Cette situation met en lumière des défis pour l’avenir du trail running, un sport qui connaît une popularité croissante. D’un côté, l’organisation d’événements aussi colossaux que l’UTMB nécessite des choix stratégiques : il faut attirer des sponsors, capter l’attention des médias, séduire un public toujours plus large. De l’autre, les fondamentaux du trail – humilité, équité, effort partagé – risquent de s’éroder face à ces ambitions modernes.
Peut-être avons-nous ici une occasion d’ouvrir un dialogue dans la communauté. Plutôt que de condamner d’emblée ces changements, il pourrait être intéressant de poser cette question : où veut-on aller collectivement ? Est-ce que l’accueil de figures influentes ou inspirantes dans des conditions particulières enrichit l’expérience ou fragilise-t-elle l’essence du trail ?
Certaines pistes pourraient même faire de ce débat un levier positif. Pourquoi ne pas imaginer une initiative où ces « ambassadeurs », bénéficiaires de ces privilèges, donnent en retour : témoignages, ateliers inspirants ou engagement pour des causes solidaires. Cela permettrait de transformer cette apparente fracture en une opportunité de rassemblement.
Au final, ce débat dépasse de loin la simple MCC. Il pose la question plus large de ce que nous attendons de notre sport, de nos événements et – in fine – de nous-mêmes. Car le trail, bien plus qu’une question de kilomètres ou de chronomètre, est une affaire de passion, de valeurs et de respect mutuel. Alors continuons de courir, mais n’oublions jamais pourquoi nous avons chaussé nos premières baskets : pour le plaisir brut de chaque foulée.

