La spéculation sur les dossards : entre passion et dérive
Une pratique qui trahit l'esprit du trail
Imaginez. Vous attendez toute l’année l’ouverture des inscriptions pour une course de trail grandiose, un rêve inscrit sur votre calendrier depuis des mois. Vous êtes prêt. Mais voilà que, en moins de dix minutes, les dossards sont épuisés. Impossible de participer. Déception. Quelques jours plus tard, vous découvrez que ces mêmes dossards sont en vente sur des plateformes d’échange, affichant des prix exorbitants.
C’est là toute la problématique de la spéculation sur les dossards. Bien loin de l'amour du trail et des valeurs qu'il véhicule — l’effort, le partage, l’authenticité —, cette pratique s'apparente à une forme de marchandisation où l'on exploite l’émotion et la rareté. Tout comme les billets d’un concert de votre artiste favori, ces dossards deviennent parfois des objets de convoitise… et de spéculation.
Et ce phénomène n’est pas anodin. La popularité croissante des courses de trail, alimentée par des événements très médiatisés comme l’UTMB, a créé une demande qui dépasse largement l’offre. Les inscriptions se font parfois en tirages au sort, et les places limitées. Résultat : une rareté artificielle qui attire les spéculateurs, prêts à s’inscrire uniquement pour revendre leur place au plus offrant.
Mais cette pratique trouble profondément l'écosystème du trail. Cela pose une question essentielle : comment préserver l’essence de ce sport qui repose d’abord sur la passion, et non sur le profit ?
Les conséquences pour l’esprit sportif et les coureurs
En quoi est-ce réellement problématique, me direz-vous ? Après tout, certains pourraient justifier que la revente d’un dossard permet à quelqu’un d’autre de courir. Mais regardons au-delà de cette façade simpliste.
Pour les coureurs passionnés, ces files d’attente virtuelles et les dossards revendus à des prix quadruplés sont un véritable obstacle. C’est leur possibilité de vivre un rêve qui leur échappe, capturée par un mécanisme marchand qui leur est étranger. Le sport devient alors un produit de luxe, réservé à ceux qui peuvent se permettre de payer plus cher pour une inscription. Une victoire à celui qui court le plus vite… sur sa carte bancaire ?
Et l’impact ne s’arrête pas là. Pour les organisateurs, la spéculation est un casse-tête. D'abord parce que les inscriptions nominatives sont conçues pour garantir une gestion efficace des participants. Les dossards attribués à des revendeurs créent des conflits de traçabilité, des erreurs dans les résultats ou encore des confusions liées aux assurances. Ensuite, parce que cela va à contre-courant des valeurs que ces organisateurs souhaitent promouvoir : équité, inclusivité et sportivité.
Enfin, soyons honnêtes : cela ternit l’image du trail. Cette discipline née dans l’esprit de liberté, au cœur des montagnes et des forêts, perd peu à peu son authenticité. Le trail, c’est une aventure personnelle, pas une question d’enchères.
Une solution collective ?
Mais que pouvons-nous faire face à cette dérive ? Crier au scandale ? Boycotter les courses touchées ? Ces réactions sont compréhensibles, mais elles ne résolvent pas durablement le problème. Il est temps d’envisager des solutions concrètes.
D'abord, nous pourrions envisager des mesures inspirées d’autres secteurs impactés par la spéculation. Les inscriptions nominatives intransigeantes, déjà en place dans de nombreuses courses, doivent devenir la norme. Chaque coureur devrait être tenu de fournir une pièce d’identité lors du retrait du dossard. Une telle mesure limiterait largement la marge de manœuvre des revendeurs.
Ensuite, pourquoi ne pas imaginer des listes d’attente officielles ? Lorsqu'un coureur ne peut plus participer, son dossard serait automatiquement réassigné à une personne inscrite sur cette liste, à prix égal. Vous rappelez-vous le bonheur enfantin ressenti quand un miracle vous offrait une place inespérée ? Ce sentiment pourrait revenir, mais cette fois de manière équitable et contrôlée.
Enfin, il nous appartient aussi, en tant que communauté, d’être vigilants. Acheter un dossard à un prix indécent, même si l'envie de courir est forte, c'est donner du pouvoir aux spéculateurs. Au contraire, sensibiliser les coureurs autour de nous, soutenir des solutions tournées vers l’inclusivité, c’est résister à cette dérive.
Les courses de trail ne sont pas une « expérience VIP » à monnayer. Elles sont des aventures où l’on partage la sueur, les montagnes, et parfois un mot d’encouragement dans une montée difficile. Dans cette quête d’authenticité, chacun de nous a un rôle à jouer.
À tous les amoureux des sentiers, rappelons-nous pourquoi nous courons. Pour la liberté, pour la nature, pour nos défis intérieurs. La spéculation sur les dossards est une fausse note dans cette symphonie d’émotions. Mais ensemble, coureurs, organisateurs et passionnés, nous pouvons préserver cet esprit. Continuons à valoriser l’accès pour tous, à défendre nos valeurs communes. Le trail, c’est avant tout une histoire de cœur, pas de chiffres… Alors, qu’en pensez-vous ? Avez-vous déjà été confronté à ce problème ? Partagez vos expériences, car c’est ensemble que nous faisons vivre notre passion.

